Histoire des Arts - Activité intéractive sur Otto Dix
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Quelques éléments de présentation
Thème : Arts et guerre au XXe siècle Nature : Tableau donc Art du visuel Titre : Les joueurs de Skat Auteur : Otto Dix Année : 1920 Dimension : 110 cm X 87 cm Huile sur toile et collage Exposé à la Galerie Nationale de Berlin Courant artistique : Expressionnisme
Otto Dix, peintre allemand né en 1891 et combattant volontaire de la Grande Guerre, réalise l’essentiel de son œuvre entre 1914 et 1940. La guerre, la ville, la marginalité, la misère et les abus liés à la crise économique en Allemagne au lendemain du conflit, constituent l’essentiel des thèmes qu’il aborda. Comme beaucoup d’artistes et intellectuels, Otto Dix salue les premiers jours de la guerre. Il lui faut l'expérience traumatisante de la guerre pour que cette fascination fasse place à la réalité d'une tragédie absurde. Il a réalisé de nombreuses oeuvres sur la guerre. On peut retenir Les joueurs de Skat, mais aussi son cycle de 50 eaux fortes Der Krieg. En 1937, ses œuvres sont qualifiées de "dégénérées" par les nazis. Certaines d'entre-elles rejoignent l'exposition d'art dégénéré de 1937 à Berlin. Le but de cette exposition est de tourner en dérision l'avant-garde artistique pour imposer l'art national-socialiste officiel. A l'issue de l'exposition, 170 oeuvres sont détruites ; d'autres revendues à l'étranger.
La
peinture Les joueurs de Skat a été peinte en 1920
et est typique du mouvement expressionniste. C'est une peinture
agressive qui n'hésite pas à critiquer la société et la guerre,
en particulier ses conséquences sur les hommes. Ces mutilés de la Première Guerre mondiale jouant aux cartes sont le reflet des dommages de la guerre.
Les joueurs de Skat a été peint en 1920, après la défaite de l'Allemagne. Les
populations sortent de ce premier conflit mondial traumatisées. L'expression « c'est
la der des der » reflète l'état d'esprit d'une population
européenne marquée par l'atrocité des combats, les nombres de
victimes, de mutilés et les dégâts matériels. L'Allemagne, en
plus du traumatisme, est aussi humiliée par un traité de paix
(traité de Versailles surnommé le Diktat - 1919) qui lui impose une
paix difficile. A noter aussi que
l'Allemagne comme tous les pays acteurs du premier conflit mondial a
un nombre considérable de mutilés de guerre : 1,5 millions de
mutilés dont 800 000 amputés.
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L'oeuvre dans son contexte
Cette
œuvre est un témoignage des conséquences de la Première Guerre mondiale. Elle montre
des mutilés de guerre, appelés des gueules cassées, jouant aux
cartes rêvant leur vie passée. C'est une dénonciation des
atrocités de la Première Guerre mondiale, deux ans seulement après
sa fin.
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Description et analyse général
Au
centre du tableau, on peut voir les trois personnages principaux
jouer aux cartes assis autour d’une table à la terrasse d'un café
le soir.
Commençons par les personnages au premier plan.
Le
premier personnage, celui de gauche est un homme. On ne peut pas lui
donner d’âge tellement sa peau est abîmée. Cet homme est
disproportionné, il a une jambe de bois et joue aux cartes avec le
pied qui lui reste. Le joueur, dont la manche droite est vide, sort
de sa manche gauche une main articulée avec laquelle il pose ses
cartes sur la table. De son oreille part un tuyau qui lui permet
d’entendre la conversation. Il doit avoir perdu l’audition lors
de la guerre.
Le
second personnage, au centre, joue aussi aux cartes. Il lui manque
une partie de la peau de la tête : il a été scalpé. Il a deux
moignons à la place des jambes qu’il a perdues à la guerre (cul
de jatte). Si on regarde son corps on voit qu’il n’est fait que
d’os, il n’a pas de peau. Ce personnage a un œil de verre et n’a
pas d’oreille. Sur la partie scalpée de son crâne, on distingue
un scène érotique : un homme et une femme font l'amour. Otto
Dix cherche ici à démontrer que non seulement les corps sont
marqués, mais aussi les esprits et le moral. Ce soldat mutilé ne
pourra sans doute plus jamais faire l'amour. Il s'agit donc d'un
souvenir ou d'un fantasme.
Le
troisième personnage n’a pas de jambe, il est posé sur une sorte
de socle en fer. Contrairement aux deux autres personnages,
il a ses deux mains mais l’une des deux est articulée comme un
robot et l'autre est aussi une prothèse. Sur son veston il porte une
croix germanique.Cette distinction est donnée aux soldats ayant eu
un comportement héroïque au combat.
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Description - Analyse 5
Au
second plan, on trouve sur la droite un porte manteau. Ce dernier est
fait à partir de crochets de boucher référence directe au surnom
de la IGM : La grande boucherie.
Au
dessus des trois hommes sont affichés des articles de journaux
allemands qui font référence au conflit Franco-Allemand pendant la
Première Guerre mondiale. En haut à gauche du tableau dans le
lampadaire, on distingue une tête de mort signe que la mort plane
toujours au-dessus de leur tête.
Si
on s’intéresse aux couleurs on voit qu’il n’y a pas de
couleurs vives. Toutes les couleurs tournent autour du verdâtre,
noir, et bleu foncé.
On
voit aussi que les lignes du tableau sont très confuses. Elles sont
toutes cassées. Il n’y a pas d’équilibre dans le tableau. Ces
lignes confuses et ces couleurs froides mettent le spectateur très
mal a l’aise tout en l’amenant à accepter le message du peintre.
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Analyse - Interprétation
Mais
Dix parvient à métamorphoser l’effroyable et le hideux en
grotesque voire en ridicule. Dans l’exhibition tout d’abord par
les anciens combattants de leurs propres mutilations, dans le fait
qu’ils trouvent dans leurs blessures une fierté, une forme de
valorisation voire d’héroïsation. Le joueur de droite porte
d’ailleurs sa Croix de Fer. Les corps ressemblent à des
marionnettes, à des pantins mécaniques, il ne s’agit plus que de
reliquats de corps, conséquence de la folie guerrière.
Dans
cette toile, les mutilations corporelles mises en évidence par Dix
renvoient bien sûr à la violence subie pendant la guerre mais aussi
à l’impuissance des médecins à réparer les corps. Les prothèses
multiples s’apparentent donc à une forme de camouflage destiné à
rendre invisible les destructions physiques.
Dès
le départ, cette œuvre a été mal reçue par la société
allemande. En effet, dans les années 1920, la société est entrée
dans un cycle d'après-guerre, rendant hommage à ses combattants et
appliquant un devoir de mémoire. Les Allemands sont choqués par la
critique implicite faite à ces gueules cassées. Dix ans plus tard,
les œuvres de Dix seront considérées comme « dégénérées»
par les Nazis et brûlées. L'oeuvre Les joueurs de Skat a été
sauvée de la destruction par un ami de l'artiste.
D'autres oeuvres témoignent de ces violences de la Première Guerre mondiale. Tout d'abord, le triptyque réalisé par Dix lui-même appelé la Guerre, ou Der Krieg. C'est une oeuvre important tant par la taille que les évènements représentés. Dix y fait le récit sans concessions du destin de nombreux soldats partis pour la guerre et qui ne sont jamais revenus : Partant sur le front, ils connaissent l'horreur des combats. Certains sont miraculeusement indemnes, d'autres blessés, d'autres meurent...
On peut aussi citer l'oeuvre de Félix Vallotton, intitulé Verdun. Il y représente les combats sur le front. Les couleurs rappellent la violence des combats, les gaz utilisés, les arbres calcinés font penser aux obus alors utilisés pour défaire l'ennemi...
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La chambre des officiers
Dans un autre registre, le film de François Dupeyron sorti en 2001, La Chambre des officiers, évoque le cas d'Adrien un jeune soldat blessé sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale par un obus. Il est amené dans l'hôpital militaire du Val de Grâce où il sera soigné mais son corps et son esprit resteront à jamais marqués par ce traumatisme. Ce film est tiré du roman de Marc Dugain, publié en 1998.
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